La ville utopique

Dans L'Utopie, Thomas More, en développant l'idée que le bien doit être conçu comme l'exposition de la perfection formelle, montre qu’un lien existe entre l'harmonie et l'ordre social dans la cité. Mais la plupart des projets de réalisation n’aboutissent pas. C'est le cas de la ville de Romorantin : Léonard de Vinci crée pour François Ier les plans d'une nouvelle capitale moderne du royaume, mais celle-ci n’est jamais construite.
 
La fin du XVIIIe siècle voit l’avènement d’une architecture symbolique. Claude-Nicolas Ledoux, reprenant les principes de Jean-Jacques Rousseau, donne à la forme urbaine une dimension morale et philanthropique en créant une ville utopique comme celle de Chaux, modèle de la réforme des mœurs et du triomphe de la Vertu. Bien que seulement la moitié du projet ait été réalisée, on sait que la ville devait être composée sur un plan elliptique évoquant la course du soleil et réduisant de la sorte les risques d'incendie. Le bonheur est rendu possible par la complémentarité entre la société et la nature.

Plan d'un Phalanstère

Plan d'un phalanstère

La Révolution industrielle change la conception de la ville, elle devient insalubre. Sont pensées alors de nouvelles communautés économiquement viables, salubres et portées par le progrès. Le bien-être physique et moral de toutes les classes est au cœur des préoccupations d’ordre social. Le fouriérisme est un système philosophique et socio-politique défini par Charles Fourier (1772-1837), selon lequel les hommes doivent vivre heureux, avec des occupations correspondant à leurs tendances, à leurs passions, dans le cadre de groupements harmonieux. Le Phalanstère (« Phalanstère », mot créé par Fourier à partir du radical phalange et du suffixe emprunté à monastère), est conçu dans l’œuvre de Charles Fourier comme un château de trois à cinq étages : le dispositif expérimental est destiné à démontrer par la pratique la validité de sa théorie du monde social, alliant plaisir et travail.

<p>Coupe du Familistère de Guise</p>

Plan du familistère de Guise

Jean-Baptiste Godin s’inspire du Phalanstère de Fourrier pour concevoir le Familistère. De 1859 à 1884, le Familistère de la ville de Guise (Aisne) est construit près de l’usine des poêles Godin. Son Palais social est une expérimentation ambitieuse qui, achevée, compte environ 500 appartements, soit 1500 à 2000 personnes. L’architecture, d'inspiration classique et conçue dans un matériaux local, la brique rouge, est pensée pour favoriser le confort, l’hygiène mais aussi l’éducation des ouvriers. De grandes baies surmontant une cour centrale permettent un éclairage naturel des logements ouvriers, conçus et distribués selon la taille des familles. Un groupe formé d'équipements scolaires, d'un théâtre, d'une piscine et d'une pouponnière, structures réservées exclusivement aux habitants du Palais Social, entoure le Familistère.

Mathilde Bischoff Dorckel et Émilie Imbert