Utopies éco-architecturales du XXe siècle : les villes flottantes
A chaque époque ses utopies, à chaque société ses rêves ! Ceux-ci sont liés aux enjeux auxquels l'Homme doit faire face. Et ces utopies, idéaux sans lieux, se matérialisent parfois dans l'architecture. Elles deviennent alors visibles et sont transmises aux générations suivantes comme des témoins des rêves de leurs ancêtres et des enjeux de leur époque.
Alors que les questions sociales ont occupé les grands utopistes depuis Thomas More, puis la Révolution industrielle, la question environnementale se place au cœur des enjeux du XXIe siècle : depuis la fin du XXe siècle, l'homme commence à prendre conscience de la finitude des espaces et des ressources de la planète. Dans les décennies à venir, il devra faire face à une croissance démographique exponentielle (en 2050, la population planétaire devrait dépasser les neuf milliards d'habitants) et aux conséquences du réchauffement climatique, notamment la montée du niveau des océans : en 2100, ce niveau devrait augmenter d'un mètre, inondant nombre de territoires, dont certaines mégapoles comme New York ou Bangkok. Il y aurait alors entre 200 000 et 250 000 réfugiés climatiques à reloger.
Les architectes d'aujourd'hui s'intéressent donc au développement durable urbain, afin de réduire l'impact de l'Homme sur son environnement. De nombreux projets tentent de pallier les difficultés liées au réchauffement climatique et à la croissance démographique, en réfléchissant à des moyens de reloger les victimes de la montée des océans et à de nouvelles solutions pour nourrir la population. Les architectes souhaitent aussi créer une nouvelle façon d'habiter en changeant les modes de vie actuels, polluants et consommateurs de ressources, d'énergie et de territoires. De nombreux projets sont consacrés à l'idée des villes flottantes (idée lancée par Jules Verne en 1871, dans Une ville flottante), écologiques, autonomes en énergie et autarciques du point de vue alimentaire.
Lilypad, par exemple, est un projet innovant et futuriste - dirions-nous donc utopique ? - développé par l'architecte belge Vincent Caillebaut. Selon son inventeur, cette architecture nomade et écologique « est une nouvelle façon d'urbaniser en mer en respectant l'écosystème marin et qui rompt avec la ville occidentale type, très énergivore et consommatrice d'espace. » Capable d'abriter 50 000 habitants, cette installation flottante mesure 500 mètres de diamètre et est constituée de trois montagnes de quarante étages réparties de manière égale de chaque côté du niveau de la mer, ainsi que de trois marinas. Les logements sont végétalisés et comportent des jardins suspendus. La coque, constituée de fibres de polyester et d'une couche de titane, absorbe la pollution. Lilypad est une ville autosuffisante en énergie - grâce à des murs éoliens, des hydroliennes, des panneaux photovoltaïques - et en nourriture - grâce à une coque végétalisée dont le but est de favoriser l'aquaculture. Des installations permettent de recycler les déchets et le CO2.
D'autres projets de villes flottantes ont été proposés (Green Float au Japon, Wetropolis à Bangkok, etc.) et sont, pour la plupart, en passe de devenir réels. Mais l'utopie de demain ne serait-elle pas, comme l'avait défini Thomas More, sans localisation, sans matérialité ? Avec le développement d'Internet et de la culture numérique, l'être humain serait capable de bâtir la « cité idéale » dans une sorte de monde parallèle totalement immatériel...
Morgane Pinoit